<Synthèse> <Définitions>
<Fondements scientifiques> <Recommandations>
<Références>
Il est très important, dans le cadre de la détermination du risque et de
l’utilisation ou non de mesures préventives, de pouvoir effectuer une
distinction correcte entre une rougeur disparaissant à la pression et une
rougeur ne disparaissant pas à la pression.
Une rougeur ne disparaissant pas à
la pression et qui apparaît après que la peau a subi une pression
pendant un certain temps, est le signe clinique visible d'un dommage causé
par l'application soutenue d'une pression. Ce dommage se situe
principalement au niveau des capillaires situés dans le derme papillaire
(1).
Chez des personnes à peau claire, une
rougeur ne disparaissant pas à la pression se manifeste cliniquement par une
zone bien délimitée présentant une rougeur persistante. Chez des personnes à
peau foncée c’est plus difficile à constater et les caractéristiques
suivantes peuvent être observées (une ou plusieurs): température de la peau
modifiée (plus chaud ou plus froid), présence d’une masse tissulaire fixe ou
mouvante, douleur ou démangeaisons. Dans ce cas également, une zone
délimitée se dessine, qui présente des teintes rouges, bleues ou violacées
persistantes
(2;3). Lorsque on appuie sur cette zone avec le pouce ou un disque
transparent, elle ne blanchit pas.
Une rougeur disparaissant à la
pression et qui apparaît après que la peau a subi une pression pendant
un certain temps est une réaction physiologique normale et cliniquement
visible: il s'agit d'une "hyperémie réactive". Celle-ci se manifeste
cliniquement par une zone délimitée de couleur rouge. Lorsqu'on appuie sur
cette zone avec le pouce (ou un disque transparent), elle blanchit.
Schoonhoven
(4) a également remarqué que chez certains patients la rougeur disparaissant
à la pression était accompagnée d’une sensation d’engourdissement et de
douleur à hauteur de cette rougeur.
La méthode selon laquelle le patient est observé minutieusement chaque jour
et la prévention entamée dès qu’une rougeur ne disparaissant pas à la
pression apparaît, peut être une alternative à l’utilisation d’échelles de
risque. Lorsque la prévention n’est entamée que chez les patients qui
développent une rougeur ne disparaissant pas à la pression, seuls les
patients qui présentent réellement des risques bénéficient, par définition,
d’une prévention (secondaire) (une rougeur ne disparaissant pas à la
pression indique un risque de développer une lésion de décubitus).
Avec cette méthode de détermination du risque, le nombre de patients
considérés comme patients à risque est inférieur par rapport aux échelles de
risque classiques. N’entamer la prévention que lorsqu’une rougeur ne
disparaissant pas à la pression apparaît, peut être justifiée, étant donné
qu’en principe, il n’y a pas encore de dommages tissulaires irréversibles
(4-6). Il ressort d’une étude menée dans des unités de chirurgie, de
médecine interne et de gériatrie (7;8) que le nombre de lésions de décubitus
du 2e degré et plus n’augmente pas par rapport à l’utilisation
d’une échelle classique. Bien entendu, il faut qu’il y ait des
observations très régulières (au moins tous les jours) et minutieuses et que
l’on commence la prévention dès l’apparition d’une rougeur ne disparaissant
pas à la pression. Si nécessaire, la fréquence des observations doit
être augmentée (par exemple, lorsqu’une rougeur disparaissant à la pression
persiste). En l’absence de mesures préventives judicieuses ou lorsque
l’on tarde à les mettre en œuvre, une rougeur ne disparaissant pas à la
pression évolue, dans bien des cas, vers des lésions plus graves (9;10).
Dans
une étude réalisée auprès de 286 patients, Allman e.a. (122) ont observé que
57,9% des patients présentant des lésions qui ne disparaissaient pas à la
pression développèrent des lésions de décubitus d’un degré supérieur, alors
que seuls 5% des patients qui n’en présentaient pas développèrent des
escarres du 2e degré ou plus.
Derre (9) a constaté que 75% environ
des patients en soins intensifs ayant développé une escarre de stade 2 ou
plus, présentaient auparavant une rougeur ne disparaissant pas à la pression
au même endroit. Tous les points de pression où une rougeur ne disparaissant
pas à la pression avait été précédée par une rougeur disparaissant à la
pression ont évolué vers une escarre d'un stade plus élevé.
Schoonhoven (4) a constaté que pour
23,3% seulement des patients qui, après une opération, avaient développé,
sur un point de pression, une rougeur ne disparaissant pas à la pression,
celle-ci s'était développée en escarre de stade 2.
L'évolution d'une rougeur ne
disparaissant pas à la pression vers une escarre plus grave peut bien sûr
être influencée par le fait que, lors des études susmentionnées, des mesures
préventives n'avaient pas été appliquées en permanence ou n'avaient pas fait
l'objet d'un contrôle.
Vanderwee et al.
(7;8;11;12) ont examiné si le report de mesures préventives jusqu’à
l’apparition d’une rougeur ne disparaissant pas à la pression, entraîne une
augmentation de l’incidence des escarres par rapport à l’utilisation de
l’échelle de Braden pour décider l’application de mesures préventives.
L’étude montre que, dans le premier cas, seuls 16% des patients ont
nécessité des mesures préventives contre 32% en cas d’utilisation de
l’échelle de Braden (seuil 17). Et ce, alors qu’il n’y avait pas plus de
patients ayant développé une lésion de décubitus du 2e degré ou
plus lorsque la prévention était reportée jusqu’à l’apparition d’une rougeur
ne disparaissant pas à la pression (6.8% versus 6.7%).
Cette méthode, selon laquelle les mesures préventives sont reportées jusqu’à
l’apparition d’une rougeur ne disparaissant pas à la pression, peut être
considérée comme justifiée, mais il est prématuré de la recommander
inconditionnellement. D’autres études qui confirment les résultats sont
nécessaires. Entre temps, on recommande de recourir à la combinaison d’une
échelle de risque et du regard clinique. Lorsqu’un patient développe une
rougeur ne disparaissant pas à la pression, il y a lieu de prendre sans
tarder des mesures préventives.
Lorsque des tissus subissent une
pression, des capillaires supplémentaires sont mobilisés afin de maintenir
ou d'augmenter l'apport sanguin vers ces tissus (13-17). Ce phénomène porte
le nom de "hyperémie réactive" (18-20). Il s'agit d'un mécanisme protecteur
qui vise à adapter l'apport sanguin aux besoins de l'organisme (18;21)
La suppression de la pression après
un certain temps cause une augmentation de l'apport sanguin vers les tissus,
les capillaires étant toujours mobilisés. Cet afflux sanguin se manifeste
cliniquement par une "rougeur disparaissant à la pression". Celle-ci peut
durer quelques secondes ou persister quelques heures après la suppression de
la pression (22)
La persistance d'une rougeur
disparaissant à la pression peut indiquer une hyperémie réactive anormale
(22). Celle-ci ne permettra pas de compenser une hypoxie éventuelle causée
par une forte pression (13;21). Par conséquent, la persistance d'une rougeur
disparaissant à la pression peut signifier un risque accru d'escarres (22).
En plus de la distinction entre
rougeurs diparaissant ou ne disparaissant pas à la pression, Bliss (18)
souligne l'importance de la distinction entre une rougeur disparaissant à la
pression apparue après une période de compression, et une rougeur
disparaissant à la pression " d'origine différente". Bliss appelle cette
dernière "hyperemic response"; celle-ci apparaît suite à un trauma et/ou une
infection. Cette distinction est importante car ce type de rougeur requiert
un traitement spécifique. Dans ce cas, des mesures visant à prévenir les
escarres seront inutiles et ne résoudront pas le problème.
Cullum e.a. (23) décrivent une
observation régulière des points de pression comme "une bonne pratique
clinique" et soulignent qu'il est important de consigner ces observations
par écrit, afin de pouvoir suivre la durée et l'évolution de la
rougeur et de prendre éventuellement des mesures de prévention (cf.
recommandation suivante).
Le disque de pression transparent est
un instrument fiable pour faire la distinction entre les deux types de
rougeur (9).
Cette distinction doit être établie
correctement, afin de permettre une mise en oeuvre efficace des moyens de
prévention. Il convient de prendre des mesures préventives dès l'observation
d'une rougeur ne disparaissant pas à la pression. Lorsqu'on observe une
rougeur disparaissant à la pression, des mesures préventives sont inutiles,
à moins que, pour d'autres raisons, le patient ne courre un risque accru de
développer des escarres. En cas de rougeur persistante, il est recommandé
d'augmenter la fréquence des observations.
La persistance d'une rougeur
disparaissant à la pression peut indiquer un risque accru d'escarres. Soyez
également attentif aux plaintes relatives à la douleur et à une sorte
d’insensibilité.
Des mesures préventives ne doivent
pas (encore) être prises, car une rougeur persistante n'est pas une escarre.
Mais en raison du risque accru d'escarres, il est recommandé d'examiner plus
fréquemment les points de pression afin de pouvoir observer le plus tôt
possible l'apparition d'une rougeur ne disparaissant pas à la pression. Le
cas échéant, des mesures préventives devront être mises en oeuvre.
La présence d’une rougeur
disparaissant à la pression à un endroit du corps sur lequel le patient ne
s’est pas étendu ou d’une rougeur disparaissant à la pression dont
l’intensité ne diminue pas après 30 minutes de suppression de la pression
(par ex. à l’issue des soins), doit donner lieu à une augmentation de la
fréquence d’inspection de la peau.
La détection d'une rougeur ne
disparaissant pas à la pression doit intervenir rapidement afin d'éviter une
aggravation de la lésion. Une rougeur ne disparaissant pas à la pression a
de grandes chances d'être réversible si des mesures préventives efficaces
interviennent immédiatement (4;19).
A l'apparition d'une rougeur
(disparaissant à la pression ou non), il convient d'éviter des moyens qui ne
diminuent pas la pression et/ou le cisaillement ou qui gênent l'observation.
Sont entre autres à éviter: l'éosine, les pommades, les crèmes, les films de
polyuréthane transparent, les matériaux pour pansements. L'effet préventif
de ces moyens est inexistant. Ils peuvent même favoriser l'apparition d'une
escarre.
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