<Principes> <Continuité
dans la prévention> <Mesure
de la Pression> <Références>
Les escarres sont causées
par une hypoxie résultant d'une compression des vaisseaux sanguins
occasionnée par une déformation tissulaire. Cette déformation résulte d'une
combinaison de forces de pression et de cisaillement.
La prévention des escarres
nécessite une approche s'attaquant aux causes. Elle peut être mise en oeuvre
par:
- une diminution de
l'intensité de la pression et du cisaillement;
- une diminution de la
durée pendant laquelle s'exercent la pression et le cisaillement;
- une combinaison des deux
éléments précédents.
Des mesures au niveau de la
tolérance tissulaire (p.ex. des mesures en matière d'alimentation et
d'humidité) n'ont qu'une valeur complémentaire.
La condition essentielle
reste une diminution suffisamment importante en durée et en intensité de la
pression et du cisaillement.
Quand la pression ou le cisaillement
diminuent, le risque d'une entrave à l'irrigation sanguine des tissus
diminue également. Le tissu continue de bénéficier d'un apport suffisant en
oxygène et aucun dommage irréversible ne se produit.
L'intensité de la pression est
déterminée entre autres par la surface de contact (surface sur laquelle
s'appuie le patient lorsqu'il est couché sur un matelas ou assis sur un
coussin). Quand cette surface augmente, la pression se redistribue davantage
et diminue en conséquence.
Par ailleurs, l'épaisseur et la compressibilité des tissus corporels soumis
à pression déterminent en partie la proportion dans laquelle la pression
peut se redistribuer dans les tissus.
Des dispositifs qui réduisent la
taille de la surface de pression (par ex. des coussins en forme d’anneau) ne
diminuent dès lors pas la pression. (1)
Quand la durée pendant
laquelle le tissu subit une pression et un cisaillement diminue, le risque
de formation d'escarres se réduit d'autant. Il est essentiel que l'hypoxie
ne persiste pas pendant un temps trop long, sinon elle peut occasionner un
dommage irréversible. Ce temps est fonction de la mesure dans laquelle
l'apport en oxygène diminue au niveau de la cellule. Plus cette diminution
est importante, plus vite apparaissent des lésions irréversibles.
Les lésions de décubitus sont provoquées par l’effet combiné d’une pression
et d’un cisaillement. Cela signifie donc que pour prévenir les lésions
de décubitus, il y a lieu de réduire tant l’intensité que la durée de la
pression et du cisaillement. Le chapitre 4 aborde la manière dont cela
peut se faire.
Pour pouvoir parler d’une prévention adéquate en matière d’escarres, il y a
lieu de prendre des mesures de prévention effectives. Des mesures non
effectives (non effectives, mais ne lésant pas le patient, par exemple
l’état nutritionnel) et des mesures dommageables (par exemple friction à la
glace, peau de mouton etc.) ne conviennent pas dans le cadre d’une
prévention adéquate. Par ailleurs, il convient également de garantir
la continuité de la prévention. Il est nécessaire de prendre des
mesures préventives, tant lorsque le patient est alité, que lorsqu’il est
assis dans une chaise roulante, dans un fauteuil ou sur une chaise, et aussi
pendant les transferts ou lors d’une intervention. Si un patient à
risque ne bénéficie pas, 24 heures sur 24, d’une prévention effective, il
court un risque réel de développer une lésion de décubitus.
Prenons
par exemple un patient qui dispose d’un matelas à réduction de pression, qui
bénéficie d’un positionnement alterné selon le schéma recommandé dans les
présentes directives et chez lequel le principe de soulèvement des talons
est appliqué. Ces mesures sont en parfaite conformité avec les
recommandations. Cependant, ce patient ne dispose pas d’un coussin à
réduction de pression et ne fait pas l’objet d’un changement de position
lorsqu’il est assis. Chez ce patient, la prévention est donc
correctement réalisée en position couchée mais non en position assise.
Ni l’intensité, ni la durée de la pression et du cisaillement ne sont
réduites en position assise, ce qui peut éventuellement entraîner
l’apparition de lésions de décubitus. Par conséquent, on ne peut
parler, en l’occurrence, de prévention adéquate.
Une prévention adéquate implique donc également, outre l’application des
mesures de prévention appropriées (voir chapitre 4), la garantie de la
continuité de celles-ci.
La capacité d'une couche sous-jacente à
réduire la pression peut être mesurée de plusieurs façons (mesure de la
pression par contact, mesure transcutanée de la pression d'oxygène,
thermographie, laser-doppler etc…). Ces procédés présentent chacun des
avantages et des inconvénients et ne fournissent qu'une image indirecte de
la déformation tissulaire en profondeur résultant d'une pression (et d'un
cisaillement) (2). La méthode la plus courante et la plus facile à mettre en
oeuvre est la mesure de la pression par contact. Cette méthode est non
invasive, relativement peu coûteuse et validée dans de nombreuses
recherches.
Il existe un lien entre la pression de contact et le développement ou non de
lésions de décubitus (3).
On recourt fréquemment à cette méthode,
quelquefois abusivement. Il importe donc de formuler quelques remarques à
son sujet:
·
On ne dispose pas d'une
valeur minimum de la pression permettant de vérifier si un
matériau est en mesure de prévenir une escarre. Le seuil de 32 mmHg qui est
parfois utilisé (surtout dans des dépliants de
firmes) est erroné. Cette
valeur se rapporte à une mesure de la pression au niveau des capillaires des
bouts des doigts (4). Du côté artériel du capillaire, la pression variait
entre 21 et 32 mmHg (en moyenne 32 mmHg – de là, la valeur limite fictive).
Du côté véneux, la pression était beaucoup plus basse (de 6 à 18 mmHg). La
pression s’est révélée fortement influençable par la température de la peau,
l’histamine et la présence d’une lésion cutanée; elle différait de personne
à personne. Si, en outre, une pression est exercée sur le tissu, le
mécanisme de l’autorégulation fera que la pression augmentera dans les
vaisseaux sanguins (5). Une valeur limite valable pour chaque individu – et
garantissant qu’en-deçà, il n’y a aucun risque de dommage tissulaire –
n’existe pas (6).
·
Des mesures de la pression peuvent être
utilisées pour comparer des matériaux à condition de tenir compte de
toute une série de facteurs (sensor drift, nombre de capteurs utilisés pour
la mesure d'une surface, durée de la mesure, absence de changements
dynamiques, taille et épaisseur du capteur, caractéristiques du tapis de
mesure (entre autres la flexibilité), possibilité d'effectuer une mesure
exacte de la pression maximale, procédure, nombre et caractéristiques
des sujets d'expérience, reproductibilité des mesures etc…), faute de quoi
les mesures ne sont pas fiables (7-12).
·
Quand on utilise des systèmes dynamiques
(matelas à air alterné), les valeurs de la pression par contact à
utiliser ne sont pas connues précisément. La pression par contact se
modifie en effet cycliquement. La littérature présente divers procédés (13)
(14): mesure des pressions maximales et minimales (6), mesure de la
pression moyenne pendant un intervalle de temps donné (15), mesure de la
pression cumulée après un temps donné (mmHg/heure) (16) et mesure des
périodes cumulées durant lesquelles la pression est inférieure à 10 mmHg, 20
mmHg et 30 mmHg (17). En raison du changement cyclique de la pression des
systèmes dynamiques, les résultats des mesures de la pression, de quelque
façon qu'on les obtienne, sont difficilement interprétables. Comparer des
systèmes statiques (p.ex. des matelas à réduction de pression) avec des
systèmes dynamiques (p.ex matelas à air alterné) c'est comparer ce qui ne
peut l'être.
[A]
P =
(9,81 x M) / A; avec P = pression en Pascal, M = masse en kg, A = superficie
en m2
Conversion de Pascals en mmHg: 760 mmHg = 101.325 Pascals
(1) Panel for the
Prediction and Prevention of Pressure Ulcers in Adults. Pressure ulcers
in adults : prediction and prevention. Clinical practice guideline
number 3. Rockville: Agency for Health Care Policy and Research, Public
Health Service, U.S. Department of Health and Human Services, AHCPR
Publication No. 92-0047, 1992. |
(2) Defloor T. Drukreductie en
wisselhouding in de preventie van decubitus.
Universiteit Gent, 2000. |
(3) Brienza DM,
Karg PE, Geyer MJ, Kelsey S, Trefler E. The relationship between
pressure ulcer incidence and buttock-seat cushion interface pressure in
at-risk elderly wheelchair users. Arch Phys Med Rehabil 2001;
82(4):529-533. |
(4) Landis E.
Microinjection studies of capillary blood pressure in human skin. Heart
1930; 15:209-228. |
(5) Bennett L,
Lee BY. Pressure versus shear in pressure causation. In: Lee BY, editor.
Chronic ulcers of the skin. New York: McGraw-Hill, 1985: 39-56. |
(6) Krouskop TA,
Garber SL, Noble P. Pressure management and the recumbent person. In:
Bader DL, editor. Pressure sores. Clinical practice and scientific
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(7) Soede M. De betekenis van
innovatie in drukmetingen voor geneeskunde en revalidatie.
Den Haag: Senter, 1999. |
(8) Barnett RI,
Shelton FE. Measurement of support surface efficacy: pressure. Adv Wound
Care 1997; 10(7):21-29. |
(9) Beebe D.
Accuracy of pressure and shear measurement. In: Webster JG, editor.
Prevention of pressure sores. Engineering and
clinical aspects. Bristol: Adam Hilger, 1991: 155-174. |
(10) Zhou R. Bladder pressure
sensors. In: Webster JG, editor. Prevention of pressure sores.
Engineering and clinical aspects. Bristol: Adam Hilger, 1991: 109-120. |
(11) Barbenel JC. Measurement
of interface pressures. In: Barbenel JC, Forbes CD, Lowe GDO, editors.
Pressure sores. London: Macmillan, 1983: 67-78. |
(12) Watkoskey C. "Pressure
ulcers: collaboration in wound care. Is there a reasonable approach?"
[letter; comment]. Ostomy Wound Manage 1997; 43(7):6. |
(13) McLeod AG. Principles of
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(14) Rithalia SV, Heath GH,
Gonsalkorale M. Assessment of alternating-pressure air mattresses using
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transcutaneous gases. J Tissue Viability 2000; 10(1):13-20. |
(15) Sideranko S, Quinn A,
Burns K, Froman RD. Effects of position and mattress overlay on sacral
and heel pressures in a clinical population. Res Nurs Health 1992;
15:245-251. |
(16) Crow RA, Clark M.
Current Management for the prevention of pressure sores. In: Bader DL,
editor. Pressure sores. Clinical practice and scientific approach.
London: MacMillan, 1990: 43-52. |
(17) Rithalia S, Gonsalkorale
M. Comparison of four alternating pressure air mattresses using a time
based pressure treshold technique and continuous measurements of
transcutaneous gases. 19. 1997. Oxford, The first European
Pressure Ulcer Advisory Panel Open Meeting. |
<Principes> <Continuité
dans la prévention> <Mesure
de la Pression> <Références>
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